DANS L’ANTICHAMBRE DE LA MORT

Sous le régime nazi, la musique a résonné non seulement dans les camps de concentration et les centres de mise à mort, mais aussi dans les prisons allemandes, les camps de prisonniers de guerre, les ghettos et certains camps de transit. C’est aussi le cas des camps d’internement du régime de Vichy. Parmi ces lieux, le choix s’est porté sur des camps liés aux centres de mise à mort par leur fonction d’« antichambre » des camps de l’Europe de l’Est, vers lesquels une grande partie des détenus sera déportée et périra dans les chambres à gaz : des camps d’internement français, qui deviendront des camps de transit en 1942, ainsi que Westerbork (Pays-Bas) et Theresienstadt (République tchèque), qui occupent une place importante dans l’organisation des déportations.

 

Dans ces camps rassemblant femmes, hommes et enfants, où la mortalité est élevée, la musique est avant tout spontanée et non contrainte : elle n’accompagne pas de punitions ni d’exécutions. Les activités musicales, mixtes pour la plupart, ont lieu dans les blocs des détenus ou dans les espaces réservés aux activités culturelles.

WESTERBOCK

Situé aux Pays-Bas, ce camp de regroupement pour les réfugiés juifs du Reich ouvre en 1939. Après l’invasion allemande en mai 1940, il passe sous la coupe nazie et se transforme progressivement en camp de transit. Une vie culturelle et musicale très riche se développe, autorisée par le commandant SS qui assiste aux spectacles avec ses hommes. Les artistes en exercice échappent aux convois hebdomadaires, pour un temps seulement : la plupart seront finalement déportés vers le camp de Theresienstadt en 1944.

 

Crédit : Carte postale de Johnny & Jones . 1938

Musique : Johnny & Jones, Westerbork Serenade

Enregistrement d’août 1944 (3’24)

« Johnny » (Salomon Kannewasser), chant

« Jones » (Arnold van Wesel), guitare

Nederlands Jazz Archief

THERESIENSTADT

À Theresienstadt, la vie musicale est particulièrement riche en raison du statut particulier de ce « camp-ghetto » où furent détenus de nombreux artistes.

Les nazis y internent nombre d’artistes juifs de Prague ainsi que des personnalités juives célèbres, dont la disparition aurait inquiété l’opinion ; elles y jouissent d’un statut privilégié.

Le camp est ainsi pensé pour servir de « vitrine » au régime, qui autorisera trois visites de la Croix-Rouge et y tournera un faux documentaire à visée propagandiste en 1944. En définitive, la majorité de la population du camp, privilégiée ou non, sera déportée vers l’Est et périra dans les chambres à gaz.

QUELQUES CAMPS FRANÇAIS

Dans les camps français d’internement, à partir de 1940, et de transit, à partir de 1942, les activités musicales et artistiques sont avant tout spontanées et même encouragées. Les musiques jouées et créées par des détenus artistes, dans l’incertitude de leur sort, permettent de soutenir le moral.

Derrière cette façade culturelle, la réalité : dans les camps de transit, les détenus « politiques » sont déportés vers les camps de concentration allemands, tandis que les Juifs sont déportés « à l’Est » et périssent pour la plupart dans les chambres à gaz.

 

 

Crédit : Orchestre de Georges Schreier. 1er janvier 1942, camp de Pithiviers. Photographie. © Mémorial de la Shoah/Coll. Raymond Rotenstein

Musique : Traditionnel yiddish, « Du zolst nisht geyn mit keyn andere meydelekh »

Enregistrement de 2016 (1’56)

Leipziger Synagogalchor

Ludwig Böhme, direction

Querstand, Klassiklabel der Verlagsgruppe Kamprad